Texte introductif de Michael Dian pour Confluence#3 – Un éloge de l’oblique
Le souffle, âme du monde [1]
À l’écoute de cet album, dernier volet du triptyque amorcé en 2014, un sentiment de gratitude affleure sous l’émerveillement et le plaisir. Dans l’agitation et la fureur du monde, la musique d’Isabelle Courroy nous rappelle que le souffle demeure l’énergie primordiale, que ce flux miraculeux à peine perceptible est la force qui retient le monde de se défaire. Qu’il est bon de se mettre à l’écoute de ce qui en nous et autour de nous abrite aussi ce souffle et qui aussitôt relie à plus grand que nous.
Comme les danseurs soufis Mevlevi dont le tournoiement jusqu’à l’ivresse provoque l’épure intérieure et l’ascension spirituelle, Isabelle Courroy a fait de la maîtrise de son souffle un chant, de sa musique un parcours de vie, de son art une éthique. Son geste musical, infiniment renouvelé, s’approfondit dans une conversation fidèlement entretenue avec nombre de compagnons de route, musiciens, écrivains, penseurs, qui, comme elle, poursuivent cette quête sublime et fragile de la beauté, cet autre nom de l’enfance et de l’unité du monde.
Avec ce 3e opus, Isabelle Courroy conduit l’exploration des ressources du kaval jusqu’au versant le plus actuel des musiques de création. En passant commande à trois compositeurs reconnus, elle fait entendre un kaval d’aujourd’hui, résolument contemporain mais qui pourtant ne refoule jamais la sédimentation de ses mémoires d’Europe orientale. Manière de rappeler que la création est le plus souvent élaboration nouvelle à partir des ressources d’une tradition solidement établie.
Ainsi, toutes les œuvres de ce nouveau répertoire auxquelles s’ajoutent deux de ses propres compositions, ont en commun une même attention à la spécificité du matériau sonore du kaval comme élément constitutif de l’écriture. Le compositeur libanais Zad Moultaka, dont la musique semble convoquer