Flûtes Kaval, Caval, Fluyer

En Turquie

KAVAL ANATOLIEN

Murat Toraman avec lequel j’ai eu la chance de travailler lors de deux longs séjours à Istanbul

KARA KOYUN – La brebis noire
Le “must” de tout jouer de kaval Anatolien

Documentaire


En Bulgarie

Lorsque je découvrais les flûtes kaval, nous étions en 1988. Elles étaient totalement méconnues en France et je ne trouvais qu’une seule personne pour me renseigner à leur sujet :  Charles Tripp.  Ce truculent collectionneur  de flûtes du monde qui avait publié une belle série de revues “Flûtes du monde”.

Heureusement, il y eu aussi des 33t, où glaner quelques trop rares mélodies jouées au kaval et bien sûr les cassettes qui tournaient dans le réseau des danseurs traditionnels. Mais au final très peu de documents, (et bien sûr, pas d’internet à l’époque! )

Une seule solution : voyager. Quelle aubaine! il fallait nécessairement aller à la sources.

Quelle chance!

J’ai donc entrepris de fréquents voyages dans les Balkans, la Roumanie, la Bulgarie, la République de Macédoine, la Grèce et la Turquie, à la recherche des musiciens pour travailler directement avec eux et dans leurs contextes.

C’est ainsi qu’Orlin Vassilev m’accueillit pour de nombreux séjours chez lui à Gabrovo, dans sa famille .

Cher Orlin, je ne le remercierai jamais assez pour tout ce que tu ‘as donné!

Avec une boussole intérieure aimantée SUD SUD EST, je ne savais pas que je commençais à dérouler un fil d’or à la rencontre de ces instruments et de leurs détenteurs. A mesure que j’avance, ce fil s’avère toujours plus précieux, aujourd’hui où je développe et mets en exergue avec notre structure L’oreille buissonnière, le concept des MUSIQUES OBLIQUES.

  • Droite ou oblique

– Droite!

Caval roumain. Isabelle Courroy . J©Huissoud

C’est par le caval roumain que je suis entée dans le son des instruments traditionnels : un coup de foudre pour le son de Marin Chisar dans le disque “Flûtes roumaines” édité par Marcel Cellier. Le son  que j’ai entendu sur ce 33t m’a marquée au point de ré-orienter tout mon parcours musical.Le caval roumain (“flûte droite”) m’a très vite fait rencontrer le kaval bulgare (“flûte oblique”), incomparablement plus difficile à “apprivoiser” du fait de son
embouchure dépourvue de tout bec pour canaliser l’air insufflé.

– Oblique

En Roumanie, existe aussi le caval oblique. Il s’agit de la version caval bulgăresc mais il est beaucoup plus rare que la version droite.

En Bucovine, on joue un fluier oblique en cuivre. Assez brillant, il rivalise facilement avec la trompette.

Caval bulgare Isabelle Courroy . J©Huissoud

Pas de sifflet, donc, pas d’anche non plus pour s’interposer entre le souffle et le son. C’est ce qu’on appelle une embouchure libre et c’est la spécifié de la famille des flûtes obliques, dont font partie supelka bulgare, tsamara épirote, gawal pontiaque, floyera grecque, flojara ukrainienne, fyell albanais ainsi que toute la famille des ney, la gasba du Magreb, la kawala égyptienne, les flûtes nur du Rajastan,  tsuur et kuroï de Mongolie etc… et tant d’autres dont, bien sûr, les kavals…

Comme une eau, le monde nous prête ses couleurs…

  • Le monde des kavals est rempli de magnifiques musiciens.

Merci à Todica Larion (Caval) et sa famille en Roumanie, Orlin Vassilev (Kaval) et sa famille à Gabrovo, Lyuben Dossev (Kaval) à Plovdiv, Theodosii Spassov et Nedyalko Nedyalkov (Kavals) à Sofia, Krassen Lutzkanov (Kaval) à Paris, Murat Toraman, Osman Aktas  (Kaval) et Sinan Celik (Kaval) à Istanbul, Harris Lambrakis (Ney) et Yorgos Kotsinis (Kaval) à Athènes, Mokhtar Choumane (Gasbah) à Alger, de m’avoir transmis leur savoir et leur confiance.

Lorsque je découvrais les flûtes kaval, nous étions en 1988. Elles étaient totalment méconnues en France et je ne trouvais qu’une seule personne pour me renseigner à leur sujet :  Charles Tripp.  Ce truculent collectionneur de flûtes du monde avait rassemblé une grande collection de flûtes du monde et publié la collection de revues “Flûtes du monde”.

Heureusement, il y eu aussi des 33t, où glaner quelques trop rares mélodies jouées au kaval et bien sûr les cassettes qui tournaient dans le réseau des danseurs traditionnels. Pas d’internet à l’époque! Une seule solution : voyager. Quelle aubaine! J’ai donc entrepris de fréquents voyages dans les Balkans à la recherche des musiciens dans leurs contextes. C’est ainsi qu’Orlin Vassilev m’accueillit pour de nombreux séjours chez lui à Gabrovo, dans sa famille . Je ne le remercierai jamais assez. Avec une boussole intérieure aimantée SUD SUD EST, je ne savais pas que je commençais à dérouler un fil d’or à la rencontre de ces instruments et de leurs détenteurs. A mesure que j’avance, ce fil s’avère toujours plus précieux encore aujourd’hui.

  • Une grande famille

Chaque zone géographique a son propre style d’instrument et de modes de jeu.

Les kavals anatoliens

Anatolie

Avec ou sans bocal, DILI (avec langue) ou DILSIZ (sans langue) , les kavals sont très présents dans le paysage musical anatolien.
Rattachés au répertoire fonctionnel et ancestral du berger qui l’utilise pour mener son troupeau, ils sont la clé de voûte d’une cosmogonie païenne, aux frontières du monde sacré qui relie l’homme à l’animal.


Kara Koyun : La brebis noire : thème emblématique qui se joue avec la technique de la respiration circulaire

“Les deux positions” du kaval d’Anatolie

En Anatolie, deux “positions” de jeux sont répertoriées : La “première” signifie que lorsque le musicien bouche tous les trous de la flûte le son obtenu donne le nom de la tonique. La “deuxième” signifie que c’est le l’avant dernier trou qui donne le nom de la tonalité de l’instrument.
Cette distinction est très utile à connaître car les modes et donc les répertoires sont associées à l’une ou l’autre de ces deux positions et donne la raison au fait qu’un kaval “en Ré” en Bulgarie peut être nommé “en Mi” (s’il est “deuxième position”), en Turquie.
Une des différences notoires entre les modes de jeu des kavals se situe dans la technique du vibrato provoqué en imprimant avec le bras, une oscillation de l’instrument contre les lèvres en Anatolie et par un “pétrissage” des doigts en Bulgarie.

Le Kaval bulgare
A la différence de leurs voisins anatoliens ou macédoniens, les bulgares fabriquent des kavals en trois blocs de bois.

Lazar Dimov – Etera – Centre Bulgarie

L’instrument est doté de 8 trous de jeu qui permet un enchaînent chromatique à partir du 2e trou en partant du bas.
Son étendue naturelle est de 2 octaves plus une sixte, tessiture à l’intérieur de laquelle le musicien doit pallier l’absence de certains degrés en modifiant l’angle d’attaque ou l’ouverture du trou.

Les trous sont bouchés avec les 2èmes phalanges (sauf pour le pouce et l’annulaire gauches et le petit doigt droit), ce qui détermine un mode de jeu très subtil de glissando, vibrato et variations de timbres, particulièrement développé en Thrace. (voir à ce sujet la question du “met kaval”, “kaval de miel” pour les bulgares et la contribution de Marie Barbara Le Gonidec à ce sujet, ainsi que sa thèse “Le beau berger et sa flûte de miel” 1997- Paris X)

Les trous du diable

Sur la 3e section de bois, en bas de l’instrument, se trouvent quatre trous très importants pour le timbre et la sonorité appelés “les trous du diable” (dushnitsi ou dyavolski dupli). Une légende raconte que le diable ayant pu entendre un beau berger jouer du kaval en fut jaloux et profita de son sommeil pour lui ravir l’instrument. Il y perça quatre trous dans l’intention de lui nuire.Quelle ne fut sa stupéfaction, d’entendre ensuite le berger jouer avec un son encore plus extraordinairement beau…

Articulations

La technique des “coups de doigts” pour articuler la mélodie à la place des coups de langue est abondamment employée sauf dans le Nord “Severniachko” et en pays Chop, près de Sofia, où la technique des coups de langue prime.

Le kaba

L’embouchure libre permet de nombreuses transformations du son ainsi que des variations de hauteur et de timbre, obtenues en modifiant la cavité buccale, la forme de la bouche ainsi qu’en utilisant plus ou moins le gras des lèvres, la vitesse et la pression du souffle.

https://www.youtube.com/watch?v=S6NfJfuCdHw

Le magnifique registre grave du kaval ou “kaba” kaval si caractéristique en ce qu’il permet un effet d’amplification par la superposition des octaves grave et medium est le “grâal” de tous les apprentis.
Comme le ney persan, le kaval peut donner l’impression que 2 fûtes jouent en m^me temps ou alternativement, l’une grave et très terrienne, l’autre aiguë et aérienne. Cet aspect est à l’origine de l’image “lèvres d’ange et souffles de dragon” que j’utilise volontiers

Les kavals macédoniens

De très belle facture et souvent gravés, ils sont tournés en une seule pièce de bois léger.

Les tchivté kavals ou kavals jumeaux vont toujours par paires

Appairés sur le même embauchoir, ils agissent  aussi par paires. Il s’agit des “tchifté” kavals, dits, “jumeaux” car ils sont faits pour être joués ensemble.

Le belul (blul) arménien

https://youtu.be/LudgqG2W75E

Le blur kurde (ici, en technique dentale)

En Albanie

La faveur des instruments graves

Fyell Albanie

Sur cette photo, vous pouvez constater les différentes positions des joueurs de kavals albanais “fyell” en fonction qu’ils utilisent la technique labiale ou dentale

Les deux techniques labiale et dentale :
Labiale, c’est à dire avec les lèvres sur lesquelles  la flûte est apposée de façon à diriger l’air pour le transformer en son.

Dentale, c’est à dire à l’aide des dents : le musicien doit emboucher davantage la flûte et la tenir moins obliquement, pour insérer l’arrête extérieure du tube entre ses deux incisives et  aménager un conduit d’air en retournant sa langue.

Cette technique, adoptée par les joueurs de Ney iranien sous le nom “d’Ispahan” est traditionnelle également en Mongolie et chez les turkmènes (flûtes tsuur et kuroï), où elle peut être associée à  la technique du chant diphonique.

Et bien sûr, dans les Balkans, il existe encore d’autres flûtes obliques aux répertoires spécifiques et dont le  timbre est toujours caractérisé par une palette sonore très variée, riche de souffles, de matières et de grains.   L’enfant, qui à l’issue d’un concert me demandait “Il y a du sable dans ta flûte?”, l”avait bien ressenti.

  • Le kaval du point de vue du facteur Riccardo von Vittorelli

“Il est simple dans son principe acoustique, un cylindre, mais subtil et complexe dans l’exécution de sa géométrie finale. Une altération de la perce – “le secret est dans la tête !” – est nécessaire pour que l’espace sonore ainsi délimité puisse chanter. La succession des trous par demi-tons et la souplesse d’intonation dans le jeu permettent au kaval de se placer sur les notes mais aussi entre elles ; il n’impose pas de géométrie musicale rigide.
La patte, avec ses “trous du diable”, une sorte de résonateur acoustique, lui donne un ancrage particulier dans les graves, vers la terre. La mise en vibration est tout aussi élémentaire, directe et sans artifice. L’embouchure, un simple biseau au profil élaboré, est au kaval ce que l’archet est au violon : le lieu de toutes les subtilités du musicien et des tendres désespoirs du facteur”.
(Extrait album Confluence#1 – Isabelle Courroy – Le souffle onirique des flûtes kaval. (MCE/L’OB – Buda Musique 2014)

https://www.franceinter.fr/personnes/riccardo-von-vittorelli

  • Du bois dont on fait les flûtes?

Le Kaval, tourné généralement dans du bois de fruitier est le cousin du Ney, dont le mot signifie roseau en persan. Ce passage du bois au végétal, n’est pas anodin et porte en lui tous les signes d’un autre rapport au monde. Profane et populaire pour l’une, mystique et savante pour l’autre, ces flûtes interrogent pour autant, le même ciel et le monde de la fabrication des flûtes obliques nous réserve bien des surprises car ce n’est pas le matériaux qui contient l’air qui vibre mais l’air lui même, pour preuve, l’existence des flûtes d’os, de bois, de métal, de cristal, de roseau ou de papier….

En voici un magnifique témoignage par le grand maître du Ney iranien Hassan Kassai :

quelques indications pour les  kavals de dépannage en “pvc”…

Kaval de dépannage en gaine électrique

Plan de secours pour se construire kaval basique de type anatolien  1ere position

Heureux,  le berger!

Palestine

Autant la particularité de la position des flûtes obliques facilite la fabrication des instruments autant elle complique le travail du musicien qui doit lui consacrer beaucoup de son temps pour en maîtriser la technique.

Heureux le berger et son troupeau qui peuvent lui consacrer beaucoup de temps en leur compagnie!

Heureux tous ceux qui partagent cette parole.

(Kosovo – Région de Rugova)

Et tant mieux, le kaval se porte bien!

https://www.youtube.com/watch?v=gL5l__S454w

©IsabelleCourroy