Transgressive oblique !

Écouter Isabelle Courroy, c’est d’abord prendre la mesure de son audace. Cette audace est transgressive pour la musicienne qui s’empare de la flûte kaval. En choisissant d’en faire son instrument d’élection, en prenant en main cette longue flûte oblique des bergers des Balkans et d’Anatolie, elle attire vers elle, crânement, l’expression d’une masculinité virile et solitaire, relançant jusqu’à nous les assignations de genre qui ont longtemps pesé, en Europe même, sur la pratique des instruments à vent. En devenant la première femme soliste à jouer du kaval, bravant l’exclusivité de ses usages masculins qui s’accompagnait d’une transmission, elle aussi généralement masculine, Isabelle Courroy nous permet de prendre la mesure de cette longue histoire, au moment même où elle la transgresse.

Car s’il y a bien, dans le geste même de la musicienne, une transgression, elle passe par les sons et les rythmes, elle se donne à entendre par la musique même, et voilà pourquoi il convient d’en prendre la mesure. C’est celle des grands espaces qu’elle convoque. Cette tradition musicale nous revient recomposée par son oblicité : ainsi prise en main, la voici qui se fraye un chemin par la béance, chargeant le son d’une matière viscérale, où vibre encore la racine arabe et persane du nom même de Kaval, Qwl, la Parole en arabe, la Promesse en persan.

Ainsi, grâce à la hardiesse d’une instrumentiste passionnée, le kaval se trouve comme augmenté. Le souffle masculin de la tradition est emporté plus au large encore par la puissance de la création féminine, puissance transgressive et oblique qui donne son sens pleinement musical à la notion de prise de parole, au présent de la création d’une soliste.

Mélanie Traversier – Extrait livret Confluence#2 – Le chant des sources

CONCERT DU 14 JANVIER 2022 – Marseille – La trilogie des Confluences

En partenariat avec le Pôle des Musiques du monde et La Cité de la Musique de Marseille

Vendredi 14 Janvier 20h30 – Cité de la Musique de Marseille

Cette soirée en deux parties est une occasion de fêter deux événements :

Première partie : La sortie de l’album Confluence#2 – Le chant des sources

Seront présents pour fêter la sortie de l’album : Françoise Atlan, Mireille Collignon – Viole de gambe, Isabelle Courroy – Flûtes kaval, Shadi Fathi – Dafs, Christiane Ildevert – Contrebasse, le choeur Estampes dirigé par Philippe Franceschi, Patrice Gabet – Violon ténor, Lionel Romieu, Ud, Tambura, Jérôme Salomon – Percussions

Le lancement de Confluence#3 – Un éloge de l’oblique

En compagnie de François Wong, composition et multi diffusion, et Ralph Louzon – création vidéo, Isabelle Courroy dédie la première partie de cette soirée au lancement de la création discographique et scénique Un éloge de l’oblique.

À partir d’un répertoire d’oeuvres mixtes pour kavals et sons fixés commandées aux compositeurs contemporains Zad Moultaka, Michel Moglia et François Wong, et de pièces de répertoires archaïques pour flûtes obliques, Isabelle Courroy poursuit son travail de création sur le croisement des esthétiques et des publics et sur la fabrication d’instruments inédits, notamment avec le verrier scientifique Ludovic Petit.

Pour écoute ici

Confluence#1